vendredi 13 avril 2012

Opium Poppy de Hubert Haddad aux éditions Zulma

L'enfant ne sait plus comment il s'appelle. Est-ce qu'un jour il a eu un nom? L'Evanoui? Un sobriquet. Alam, le nom de ce frère borgne jamais soumis, mort d'avoir trahi, mais qui trahit-on dans un monde aussi brutal? Dès l'origine "entre la mosquée des marchands de pétrole et cette bordure de désert, la vie n'était qu'une interminable érosion épiée par la violence aveugle du ciel". Pas d'école, pas de tendresse, une solitude infinie, l'enfant grandit, grain de sable dans le désert balloté au gré des évènements. Le père meurt, le frère rejoint les insurgés et la belle Malalaï, soleil de beauté est détruite pour avoir osé fréquenter l'école publique. C'est un livre terrifiant parce qu'il est sans espoir, l'enfant est irrémédiablement en fuite corps et âme, le coeur perdu vidé, déserté, inhumain. L'écriture fait jaillir au détour des phrases des images somptueuses. La construction labyrinthique lève progressivement les ombres innommables de l'histoire de cet être né de la guerre, avec elle et en elle. Ce livre ne veut pas informer de manière historique sur la situation en Afghanistan, il parle plutôt de l'origine de la violence en nous laissant démunis,les yeux ouverts sur le cauchemar. 
"D'une seule aile, le crépuscule recouvrit  les contreforts du Goudahar. On entendit le cri d'un aigle ravisseur au zénith où se concentrait l'ultime éblouissement de ce jour. Vêtus d'habits grisâtres, les paysans ne se distinguaient plus des buissons d'épines et des arbustes calcinés, dans la cendre soulevée de leurs pas. Leurs ombres s'allongeaient jusqu'à lui, effrayantes comme des mortes qu'on traîne. Rien ne l'étonnait de la brutalité sourde des choses. A son âge, le monde entier était comme la maison du père. Dans la nuit montante, une fois de plus, l'enfant rentrait en silence à la suite du vieil homme et du grand frère désinvolte qui butait sur les cailloux et arrachait d'un bond les dernières feuilles d'un bouleau étique ou d'un amandier. Déjà les cubes serrés des masures se profilaient, dés ou dominos géants sur cette marche oubliée des montagnes." p34

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