Bien après le « grand
chamboulement », le peuple K’awil vit
isolé du reste du monde derrière des hautes montagnes tandis que de l'autre
côté auraient survécu les T’surs. Organisée en clans ayant chacun une
spécialité, la vie des K’awil est
rigoureusement rythmée selon des rites de passage et d’apprentissage. Tous les
membres de la communauté passent dans chaque clan pour y acquérir des
compétences. C'est très important pour les hommes qui devront adopter celui de
leur compagne. Neï, orpheline, est élevée par sa grand-mère Lukvu chef des
armuriers. Quand sa sœur est sauvagement tuée par un tigre K’tioni dans la
forêt avec son compagnon, elle adopte sa petite nièce qui vient de naître. Elle
est au seuil de l’âge adulte mais n’a pas encore passé son « imago »,
la cérémonie qui lui permet d’y accéder. Elle doit faire des choix qu’elle
pensait pouvoir laisser encore longtemps en attente. La vieille sorcière du
clan des armuriers sent en elle une énergie nouvelle, une intelligence sensible
propre à faire de Nei un chef hors du commun. C’est un monde dur où la nature
luxuriante et grandiose donne aux personnages une liberté, la possibilité d’une intimité que la vie en communauté ne permet pas. Il y a dans les
montagnes des animaux féériques dont la sagesse parle par télépathie. Grâce à son
insatiable curiosité Neï explore des galeries au fond des grottes qui
conduisent au peuple T’sur vers lequel son père se serait échappé. Là, deux
univers s’entrechoquent permettant à Nathalie
Legendre d’offrir à ses lecteurs une belle réflexion sur l’organisation,
l’éducation et l’éthique d’une société. Jamais dogmatique, il y a à la fois de
l’émotion et de l’action, de la réflexion et du suspens dans un roman toujours
enlevé où l’intensité dramatique est solidement maintenue. Le shéma classique
des bons sauvages finalement bien plus droits et respectueux des uns et des
autres est certes repris mais c’est compensé allègrement par la place accordée
aux femmes. Le pouvoir est matrilinéaire. Ce qui n’est pas sans créer
des tensions parmi les hommes qui se sentent parfois défavorisés. On les voit
tenter avec difficulté de changer le mouvement et les voir confrontés à un
pouvoir féminin bien établi est particulièrement intéressant …
Une très bonne lecture qui
emporte dans une imagination fertile sans chercher à être crédible mais pose
des questions sur nos vies et redonne à la nature la place d’interlocuteur sans
fard qu’elle mérite avec sa cruauté et sa beauté. Un peu cliché ? Non, l’écriture
est fluide et le caractère des personnages sans concession. On est pris dans le
récit et c’est bon.
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