vendredi 27 juillet 2012

Imago de Nathalie Legendre collection Soon aux éditions Syros




Bien après le « grand chamboulement », le  peuple K’awil vit isolé du reste du monde derrière des hautes montagnes tandis que de l'autre côté auraient survécu les T’surs. Organisée en clans ayant chacun une spécialité,  la vie des K’awil est rigoureusement rythmée selon des rites de passage et d’apprentissage. Tous les membres de la communauté passent dans chaque clan pour y acquérir des compétences. C'est très important pour les hommes qui devront adopter celui de leur compagne. Neï, orpheline, est élevée par sa grand-mère Lukvu chef des armuriers. Quand sa sœur est sauvagement tuée par un tigre K’tioni dans la forêt avec son compagnon, elle adopte sa petite nièce qui vient de naître. Elle est au seuil de l’âge adulte mais n’a pas encore passé son « imago », la cérémonie qui lui permet d’y accéder. Elle doit faire des choix qu’elle pensait pouvoir laisser encore longtemps en attente. La vieille sorcière du clan des armuriers sent en elle une énergie nouvelle, une intelligence sensible propre à faire de Nei un chef hors du commun. C’est un monde dur où la nature luxuriante et grandiose donne aux personnages une liberté, la possibilité d’une intimité que la vie en communauté ne permet pas. Il y a dans les montagnes des animaux féériques dont la sagesse parle par télépathie. Grâce à son insatiable curiosité Neï explore des galeries au fond des grottes qui conduisent au peuple T’sur vers lequel son père se serait échappé. Là, deux univers s’entrechoquent permettant  à Nathalie Legendre d’offrir à ses lecteurs une belle réflexion sur l’organisation, l’éducation et l’éthique d’une société. Jamais dogmatique, il y a à la fois de l’émotion et de l’action, de la réflexion et du suspens dans un roman toujours enlevé où l’intensité dramatique est solidement maintenue. Le shéma classique des bons sauvages finalement bien plus droits et respectueux des uns et des autres est certes repris mais c’est compensé allègrement par la place accordée aux femmes. Le pouvoir est matrilinéaire. Ce qui n’est pas sans créer des tensions parmi les hommes qui se sentent parfois défavorisés. On les voit tenter avec difficulté de changer le mouvement et les voir confrontés à un pouvoir féminin bien établi est particulièrement intéressant …
Une très bonne lecture qui emporte dans une imagination fertile sans chercher à être crédible mais pose des questions sur nos vies et redonne à la nature la place d’interlocuteur sans fard qu’elle mérite avec sa cruauté et sa beauté. Un peu cliché ? Non, l’écriture est fluide et le caractère des personnages sans concession. On est pris dans le récit et c’est bon.

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