mercredi 4 juillet 2012

L'escalier de Jack de Jean Cagnard aux éditions Gaïa

Ce livre met son lecteur dans une situation compliquée... On se retrouve avec Le désert des Tartares dans une main, Le vieil homme et la mer dans l'autre et Sur la route de Jack Kerouac entre les dents. Tout ça dans un escalier.  Lequel relire en premier? Ensuite il m'a fallu fouiner sur le net pour trouver des vers d'Allen que j'appelle familièrement par son prénom alors que Ginsberg n'était pas jusqu'à aujourd'hui un intime de ma bibliothèque. Merci, j'aime les livres qui font changer de point de vue et apprennent quelque chose. Pour mieux entrer dans l'univers de Jean Cagnard, il faut indiscutablement se rapprocher de Jack et de son ami Allen sous peine de rester assis sur les marches de l'escalier à ne voir que le bout de ses semelles. Ce livre respire la jeunesse et la vitalité pourtant Jean Cagnard est né en 1955. C'est un sérieux argument de plus pour garder un Kerouac sur sa table de nuit comme élixir de jouvence. Par l'emploi du vous, on se retrouve engagés  dans des drôles de boulots avant de trouver le bon. Du premier travail à l' activité finale de poète, il y le cheminement d'un homme qui donne des coups de pied dans les fourmilières avec un joyeux enthousiasme démasquant la bêtise de l'ordre établi. Comment trouver la voix, la voie? Celle qui permettra de crier ses rages et ses impuissances. Du corps vivant de la femme où l'on pénètre comme dans un livre aux corps morts de nos pères qui nous ont irréversiblement abandonnés, Jean Cagnard balaye le monde avec l'humour d'un désespéré. C'est un bel hommage à cette période capiteuse où tout lâche entre l'adolescence et l'adulte, quand on attend de vous que vous donniez des signes d'assurance  (un peu comme l'ami de sa soeur qui y travaille) d'un avenir convenable. J'ai beaucoup aimé ce style qui explore tous les genres de la poésie au théâtre jouant sur les répétitions et les ressassements pour mieux planter les clous.
Cette idée de la bibliothèque intérieure et de ces livres vivants et sensuels comme des corps désirés évoque avec justesse les premiers émois littéraires si associés c'est vrai aux amours de jeunesse. L'impossible communication entre la mère et le fils définitivement d'un côté et de l'autre de la barrière font un écho tragique à cette puissante naissance.

p 125

"Vous les sortez de la bibliothèque. D'abord Des Souris et des Hommes et ensuite Le vieil homme et la mer.
De l'index, vous appuyez sur la tranche supérieure et vous les faites basculer chacun son tour.
Ce sont comme deux cavaliers qui viennent galoper entre vos doigts.
Et à présent vous avez dans la mains deux livres qui ne sont pas précisément des salades.
Rien à voir non plus avec deux seins qui se trouveraient quelque part dans le monde.
Ce sont simplement deux choses qui ont l'air de ce qu'elles sont : deux livres.
Vous n'êtes plus le même homme bien évidemment.
Un homme qui a deux livres dans les mains est bien différent de celui qui l'instant d'avant ne les avait pas.

Un homme



Aucun commentaire: