lundi 18 février 2013

La nuit tombée d'Antoine Choplin aux éditions La Fosse aux Ours

La catastrophe nucléaire de Tchernobyl, c'était le 26 Avril 1986... Qu'en savons-nous, nous les heureux ? Une peur ancienne, quelques blagues de mauvais goûts, des expressions.  Nous sommes à peine marqués ni même en alerte, juste un peu secoués d'une vague inquiétude parfois. Ce livre est radio actif, à défaut d'être rétro-actif. 
Un homme tire sur la route de Prypiat une remorque avec sa moto. Prypiat est depuis l'accident de la centrale, une ville fantôme évacuée en urgence de tous ses habitants. Gouri fait halte dans la maison de Iakov et Vera. Iakov est malade. Il était parmi les "liquidateurs" avec Gouri et tant d'autres,  ceux que le gouvernement Russe a réquisitionnés pour tenter d'enrayer la catastrophe. Mais  Gouri le poète, a ensuite été envoyé comme écrivain public à Kiev alors que Iakov a été recruté pour "faire son travail de citoyen" sur place : " un travail de patriote que c'était et de la reconnaissance que ça nous vaudrait". Cette nuit, Gouri va retourner à son appartement prendre la porte de la chambre de sa fille Ksenia, celle sur laquelle on a marqué à la craie des mots et la taille de l'enfant malade elle aussi. Dans une écriture sobre, du théâtre presque, insérant des silences et soulignant l'expression d'un visage, Antoine Choplin réalise un bijou, un tableau d'une sensibilité rare. Il donne un souffle profond à ces hommes perdus aux confins du monde abandonné, enchainant les verres de vodka avec une gravité morbide. Le livre émeut, se hisse au rang des inoubliables.
"Il se sent pris dans un drôle de paysage, aux contours dessinés par les alentours autant que par lui-même, à l'intérieur.
L'entrelacs de la nuit et de nos pénombres.
(...) 
Gouri, le regard long et opiniâtre levé vers les bribes de ciel.
Son corps entier frissonne.
A cause, peut-être des solitudes amoncelées. 
Emboîtées comme des poupées gigognes. La sienne propre à Gouri, d'homme singulier ; celle de cette zone maudite, ce trou noir du monde ; celle aussi de son espèce, humaine, et de son vaisseau terrestre qui s'est fichu là, au coeur de l'immensité. 
(...)C'est quelque chose comme le sentiment de l'abandon. 
Qui recroqueville les bustes, replie les horizons."P111

Aucun commentaire: