dimanche 24 mars 2013

Le roman du mariage de Jeffrey Eugénides traduit de l'Anglais par Olivier Deparis aux éditions de l'Olivier




Madeleine a la gueule de bois et elle n'est pas très fière de ce qui s'est passé la nuit dernière. D'emblée Jeffrey Eugénides (Eugénidesse...) nous plonge dans les regrets et remords d'une fille en pleine crise sentimentale alors que ses parents bon chic bon genre menacent d'arriver d'un instant à l'autre pour la remise des diplômes sur le campus universitaire. Le lecteur suit Madeleine qui navigue à vue cherchant la terre ferme dans son avenir brouillé. C'est Mitchell qui la sauve acceptant avec une abnégation chevaleresque de faire la conversation à ses parents. Il lui évite ainsi une confrontation qui pourrait révéler quelques failles dans ses projets. Madeleine aime Léonard qui l'a quittée, beau, brillant étudiant en biologie sûr de lui et par contre n'est pas amoureuse de Mitchell qui lui est fou d'elle. Etudiant en théologie, il est l'homme providentiel, celui qui tombe à pic régulièrement au cours de cette histoire. 
On est dans un milieu d'intellectuels. En effet Madeleine étudie la littérature classique anglaise. Nourrie de Jane Austen, des soeurs Brontë, de George Eliott, elle découvre Barthes et Derrida pendant que Léonard cultive des levures dans le laboratoire d'une nobelisée. Loin en Inde, Mitchell  cherche la foi et la grâce auprès de Mère Térésa avec des réflexions non dénuées d'humour. Mais le désir brûle et enchaine les corps dans des étreintes fougueuses ou ratées. Le sexe appelle mais est toujours suivi d'un post coîtum intellectuel où la raison reprend vite le dessus. Le triangle amoureux est photographié sous chaque angle laissant au lecteur un peu d'avance sur les personnages. C'est génial, on les voit se débattre et on sait qu'ils se trompent. Est-ce que la sincérité des sentiments suffit à conduire sans trébucher vers l'union maritale? Un peu de lucidité et de grands renoncements seront nécessaires. 
 Dans ce roman qui se veut matrimonial  Jeffrey Eugenides (Eugénidesssse...)entreprend de répondre magistralement à ceux qui affirment que la fin de l'institution (du mariage) signe l'arrêt de mort du roman. C' est une réussite dans sa forme classique avec des personnages finement campés, des êtres vivants. Léonard, quand il se débat dans sa psychose maniaco-dépressive est criant de vérité de même que la réaction des parents de Madeleine cherchant à convaincre impuissants et pathétiques.

 Les crises côtoient les décisions fondamentales, un monde à prendre sans s'y faire piéger quand la réalité rattrape le roman qu'on a commencé à écrire de sa vie. Mais dans les années 80, les femmes naviguent déjà sur ce que leurs aînées ont acquis, une liberté qui change profondément la donne et doit faire jubiler Elizabeth Bennet depuis Orgueil et Préjugés.

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