lundi 29 avril 2013

Adèle et moi de Julie Wolkenstein aux éditions P.O.L

P229 "Comme elle, il est conscient que ce genre de rencontre ne se présente pas souvent, ne se présente quelquefois jamais dans une vie. Et que, les choses étant ce qu'elles sont (les villes assiégées, les parents mortels), c'est-à-dire fragiles, mieux vaut ne pas lâcher celles qui vous rendent heureux, elles se briseront bien assez vite d'elles-mêmes."

P513 "Dans le vide des nuits d'insomnie, la plénitude de son être, mûr, rassemblé, unique"

Le bord de mer chez Julie Wolkenstein est un gouffre, un tombeau mais aussi une boîte de Pandore. Les souvenirs se fossilisent là, remontant par vagues au gré des marées. On sent à la fois la fascination et l'impuissance à se détacher de cet univers des villas ensablées et salées dans un monde de conventions et de grandes familles. C'est Adèle, l'arrière grand-mère qui a acheté ce coin de terre, c'est à elle qu'elle doit cet héritage hypnotique. Dans ces maisons autrefois débordantes de famille, on choisit aujourd'hui d'imposer un week-end sans enfants et la solitude ronge entre l'amant toujours prêt à disparaitre et les copines jamais vraiment capables de comprendre. Adèle a aimé son Georges avec constance, c'est sensuel et quand le temps à passé, ce vieux couple féru de chasse au crocodile émeut. Odette, une tante, fût la dépositaire de la vie d'Adèle pendant ses nuits d'insomnie alors qu'elle la rejoignait dans son lit petite-fille. Elle a écrit plus tard un mémorandum, "une dizaine de pages dactylographiées". A partir de là, Julie Wolkenstein nous raconte qu'elle lui  a rendu visite à Annecy lors d'une rencontre autour d'un de ses livres à la bibliothèque.  Au moment de partir, Odette lui remet  le "coffret rouge gainé de bleu" qui contient le "journal intime" d'Adèle.
L'auteur reconstruit une vie de grande bourgeoise, quatre enfants, un couple amoureux, trois guerres, des deuils, et surtour St Pair-Sur-Mer. En écho déformé par le temps, la vie d'aujourd'hui répond, le paysage s'érode mais le climat a toujours ses caprices. Par hasard, au cours de mes dernières vacances, je me suis retrouvée dans ce havre normand que Julie Wolkenstein dessine. Il y a des mots à mettre sur chacun des pas qu'on y fait à cause de ce livre qui, s'il parle d'Adèle, rend aussi au lieu un hommage sincère.
Julie Wolkenstein dévoile la trame de l'écriture donnant des indices vrais, faux, sur une enquête, jouant des coïncidences entre elle et son arrière-grand-mère, pour mettre en scène et romancer au sens propre du terme, pourrait-on dire "fictionner". Mais peu importe que ce soit vrai, on la croit pour tout. Adèle et moi ou Adèle est moi? Livre subtil plein d'une franche vitalité, de drôlerie qui m'a amené à relire Happy end que j'avais aussi beaucoup aimé en 2005, plus sombre mais dont je n'avais pas oublié quelques scènes marquantes. Julie Wolkenstein injecte dans ses lignes des émotions fortes, ses histoires qui viennent s'agréger aux vôtres, un peu comme ces coquillages collés les uns aux autres.

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