samedi 6 septembre 2014

Autour du monde de Laurent Mauvignier aux editions de Minuit

 Laurent Mauvignier dès les premières lignes, nous plonge dans son écriture et l'épicentre de la catastrophe à venir, Fukushima le 11 Mars 2011. Grand tremblement qui s'étend en cercles concentriques insidieux, s'éloigne du point d'impact vers des voyageurs qui balisent l'onde de leurs catastrophes individuelles. Avec Laurent Mauvignier on est à l'intérieur, on plonge dans les êtres, d'autant plus que là ils sont tous partis de leurs ancrages. Loin de chez eux, d'autant plus près d'eux mêmes et de leurs fractures où se condense une tectonique du mal-être. Dans la construction, les personnages sont reliés par une vignette-photo, que ce soit une image qu'ils retiendront du lieu où ils se trouvent ou l'information sur le tsunami qui leur parvient dans les médias. Laurent Mauvignier exprime le petit glissement qui fait vaciller les certitudes dans un livre qui pourrait se lire comme autant de nouvelles indépendantes. Roman éparpillé en bribes de vie, des vies qui s'appuient l'une sur l'autre, pour se raconter, à la fois si proches et éloignés dans les préoccupations. Les protagonistes sont des déplacés qui jamais ne s'arracheront au seisme de leur vie où qu'ils soient, rattrapés par la peur malgré les apparences. Autour Du Monde est tenu par la peur. L'amour, le sexe, l'alcool, l'événement singulier ne la  tiendront jamais en respect, si ce n'est un instant, pendant que le monde tremble. Laurent Mauvignier avait réussi dans Les Hommes, avec son écriture toute en fractures de rythme, le portrait sensible d'un être meurtri. Il n'atteint pas là cette profondeur. La mesquinerie l'emporte parfois laissant les voix étouffées par des descriptions en surface de gens qui semblent n'avoir rien à faire dans ce livre. Je pense au safari et à ses protagonistes qui sont particulièrement insupportables. Un très beau début qui s'essoufle vite comme la vague s'éteint en bout de course et qui aurait emporté le Laurent Mauvignier des romans précédents.





"Et l'eau enfin finira par perdre une partie de ce qu'elle aura arraché à la terre. Enfin l'eau se retirera. Enfin l'eau désertera le terrain conquis. Elle l'abandonnera et retournera vers l'océan en passant par tous les vides, tous les trous - les fentes, les fissures, les failles infimes seront pour elle des issues qu'elle prendra, fouillera, écartera en gardant dans l'épaisseur de ses plis et ses filets de boue des corps enchevêtrés aux morceaux de carlingues, de bâtiments, d’entrepôts ; et c'est toute l'histoire du village fracassé - des débris de chairs et de fer, des bateaux déchiquetés et des voitures, des mémores et des familles entières, des lambeaux d'histoires et de corps qu'elle va traîner dans son repli, comme les miettes d'un festin amer et monstrueux."

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