Les romans policiers

mardi 1 décembre 2015

Obia de Colin Niel collection Noir aux éditions du Rouergue


Poursuivi par la police comme meurtrier présumé, Clifton, un jeune noir marron court comme un gibier acculé. A ses trousses, Marcy, le flic créole originaire comme on dit, tête brûlée à la forte de carrure, va le rater. On commence à transpirer. Quand le capitaine Anato débarque de sa pirogue en plein soleil, on respire la Guyane et c'est parti pour un voyage mouvementé. Avec Marcy comme collaborateur, Anato va tenter de dénouer les fils  d'une histoire dans laquelle viendra se prendre le contexte historique, social, politique de la Guyane. Le pays, personnage à part entière du roman, se dévoile sous la plume experte de Colin Niel. A sa frontière, le Suriname a provoqué une immigration massive quelques années après l'indépendance; les néerlandais partis, le pays a vécu une sorte d'union nationale avant que les différentes ethnies ne se déchirent et qu'une guerre civile n'éclate. Le passé a ses spectres que les étranges yeux jaunes de Anato vont réveiller. Vacaresse, qui enquête sur une banale histoire d'adultère finira par rejoindre Anato, malgré la radiation, malgré l'emprisonnement de son fils et sa femme dépressive. L' intuition d'Anato alliée à la sensibilité de Vacaresse viendront à bout de ce méli-mélo aux relents de corruption sous couvert de trafic de drogue, La Guyane étant un pont européen en plein cœur de l'Amérique du Sud. Si l'Obia rend  invincible, invisible aux yeux de l'ennemi, comme le pensaient les jungle commandos à l'époque de la guerre civile au Suriname et les "mules"convoyeuses de drogue d'aujourd'hui, les coupables n'échapperont pas à un Capitaine Anato droit comme la justice, aux amours compliquées, à l'humanité tangible. Après les Hamac de Carton et Ceux qui restent en Forêt, Colin Niel sophistique l'intrigue, réécrit l'histoire de la Guyane dans un beau polar porté haut par des personnages attachants dont on se plait à imaginer l'avenir dans d'autres aventures. Le Capitaine Anato est loin d'avoir exploré toutes les pistes de ses origines et Vacaresse a encore du boulot avant de trouver le bonheur...

 

dimanche 17 juin 2012

La sanction de Trevanian traduit de l'américain par Jean Rosenthal aux éditions Gallmeister


Le CII sorte de CIA dirigé par un homme malade dit" le dragon" parce qu'il est obligé de vivre dans le noir, a perdu un agent  dans une embuscade . Il faut sanctionner les assassins. Un des deux est facilement retrouvé mais l'autre reste mystérieux. Jonathan Hemlock éminent professeur d'art et collectionneur de toiles de maître grâce à ses revenus complémentaires de tueur est chargé du travail. On sait que la cible se prépare à une expédition périlleuse en montagne et Jonathan ancien grimpeur semble être l'homme idéal. Comme il s'obstine à refuser de poursuivre la mission, on lui envoie Jemina qui réussit le formidable exploit de séduire le beau et froid professeur. 
La sanction contient tous les ingrédients d'un roman policier bien construit. Envie de tourner les pages, suspens maintenu jusqu'au dénouement, indices subtilement distillés, femmes torrides, héros incorruptible. Trevanian s'amuse à sortir de son imagination quelques rêves fous comme la maison de Jonathan Hemlock ou le mystérieux Dragon. La montagne en toile de fond permet aux personnages de donner le meilleur d'eux-mêmes dans une fantastique ascension  où l'on se demande si la surenchère des difficultés cessera. 
Au fond, on ne sait pas bien pourquoi les personnages déploient autant d'énergie. Les grandes raisons de cette débauche de moyens s'effacent au profit de mobiles individuels . C'est un peu une caricature du roman d'espionnage qui se veut souvent politique.  On n’exécute plus pour des idées mais pour pouvoir s'offrir des toiles de maître et maintenir son train de vie. Jemina tente bien d'expliquer à Jonathan pourquoi il doit éxécuter cette mission au-delà de l'appât du gain mais elle fait erreur, il n'acceptera que parce qu'il y trouve l'occasion de venger un ami en plus d'une confortable rémunération. La société est furieusement égratignée sous une fausse légéreté de ton. 
Ce petit extrait printanier est un bon exemple de l'humour "Trevanian" avec un regard souriant sur les gens et le monde qui n'est pas loin du détachement. 

p65 "Mr Monk était le meilleur jardinier de Long Island, mais on ne le recherchait guère. Totalement paranoïaque, il était persuadé que l'herbe, les fleurs et les buissons étaient ses ennemis personnels, décidés à l'avoir par des moyens aussi diaboliques que détournés. C'était donc son habitude d'arracher les mauvaises herbes, de tailler les haies ou de tondre le gazon avec un entrain sadique et une énergie vengeresse, tout en prodiguant les pires injures à cette flore hostile. Comme pour le contrarier, les jardins et les massifs fleurissaient de manière exubérante sous sa main et il tenait cela pour une insulte délibérée. Sa haine ne s'en déchainait que plus librement."

Un tueur potentiel dans tout jardinier ?

 

 

 

 

samedi 25 février 2012


L'âme du chasseur de Deon Meyer traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Estelle Roudet aux éditions du Seuil coll Points

 Un grand noir imposant grand et costaud vole une moto BMW et traverse l'Afrique. L'air vibre de la fureur d'un peuple au cœur d'un paysage gigantesque. Thobela Mpayipheli est un tueur. Il voulait changer de vie et enterrer sa sagaie  mais son passé le rattrape au coin du bonheur tranquille construit autour d'un potager, d'une femme et d'un enfant. Dans ce pays qui sort tout juste de l'apartheid, les services secrets  sont loin d'être réunifiés. Les différentes factions sont à la solde du KGB, de la CIA ou encore d'Al Qaida avec des agents doubles comme Inkululeko dont le vrai nom est l'enjeu de ce jeu du chat et de la souris. Sur la moto, Thobela se reconstruit, reprend possession de lui-même respirant au fil des kilomètres l'air de ce pays qui contient un monde de possibilités fantastiques : "il entrevit un monde un monde de Noirs, de Blancs et de métis vivant dans une harmonie encore plus parfaite". Thobela est un homme bon, un héros que l'on suit dans ses réflexions philosophiques. Les péripéties incroyables du livre le rendent immortel et mythique mais jamais on ne se lasse , on y croit et on espère bien que le gentil ne mourra pas.

Aucune raison donc de rester hésitant devant le A la trace de Déon Meyer qui vient de sortir en librairie...